Le classicisme français du XVIIe siècle : Littérature de l'âge classique


Le XVIIe siècle compte deux grands courants littéraires tout à la fois concurrents mais aussi complémentaires : le classicisme et la littérature baroque. Concurrents car le classicisme en littérature s'imposera face au baroque mais aussi complémentaires car certains auteurs ont été influencés par les deux courants à la fois (comme Pierre Corneille). Mais dès la fin du siècle se dessine en littérature un courant de pensée qui annonce déjà les Lumières (avec La Bruyère par exemple). Les grands noms de la littérature de cette époque sont: Corneille, Jean Racine, Molière, Pascal, La Rouchefoucault, La Fontaine, Nicolas Boileau, La Bruyère, Mme de La Fayette.
Même si le XVIIe siècle débute en France sous de bons auspices avec la promulgation de l'édit de Nantes (1598), qui marque une étape importante dans les travaux de pacification du royaume entrepris par Henri IV, l'instabilité politique et sociale se prolonge cependant. L'autorité royale, mise en péril par les complots de l'aristocratie (la Fronde, 16481653), est pourtant fortement consolidée à l'initiative de Louis XIII et de Richelieu, puis sous l'autorité de Mazarin. Mais c'est seulement après la mort de celui-ci, en 1661, et avec l'avènement effectif du règne de Louis XIV, que sonne la naissance de l'âge classique, qui s'achèvera vers 1685. Le XVIIe siècle est donc, en schématisant, double: baroque et instable dans sa première moitié, qui correspond à peu près au règne de Louis XIII, il voit dans sa seconde moitié, coïncidant avec le règne de Louis XIV, naître le classicisme, cet idéal d'équilibre et de clarté qui devait concerner tous les domaines de l'art et de la pensée.
Le règne effectif de Louis XIV, après la mort de Mazarin (1661), marque l'avènement de ce que l'on appelle, depuis le XIXe siècle, l'âge classique. Classicisme (littérature), courant esthétique regroupant l'ensemble des ouvrages qui prennent comme référence esthétique les chefs-d'œuvre de l'Antiquité gréco-latine. Le terme a une définition esthétique mais aussi historique, puisqu'en France l'«époque classique»  est la période de création littéraire et artistique correspondant à ce que Voltaire appelait «le siècle de Louis XIV»; il s'agit essentiellement des années 1660-1680, mais en réalité la période classique s'étend jusqu'au siècle suivant. Le classicisme en France est un cas singulier: cette période a été appelée classique parce qu'elle se donnait comme idéal l'imitation des Anciens, mais aussi parce qu'elle est devenue une période de référence de la culture nationale.
Au-delà de ces définitions historique et esthétique, le sens du terme «classique»  a été étendu jusqu'à désigner tout écrivain dont l'œuvre semble propre à être étudiée dans les écoles pour y servir de modèle. Dans un sens encore plus large, est classique toute œuvre culturelle qui est devenue une référence: on dit ainsi couramment de tel film qu'il est un classique. Chaque littérature a ainsi ses écrivains classiques. Il existe par ailleurs des périodes littéraires qualifiées de classiques: « classicisme de Weimar » en Allemagne (du voyage en Italie de Goethe en 1786 à la mort de Schiller en 1805), «âge»  de Dryden et de Pope en Angleterre, par exemple. Nous parlerons ici du classicisme du Grand Siècle. La diversité de la littérature française du XVIIe siècle semble remettre en question la catégorie de classicisme. En effet, certains commentateurs ont été conduits à évoquer le «romantisme»  des classiques, pour parler par exemple de la couleur locale dans le théâtre de Corneille, ou de la préoccupation du «moi»  perceptible dans l'œuvre de Retz. D'autres ont même parlé du «naturalisme»  des classiques, en évoquant la peinture sociale dans les grandes comédies de Molière, dans les romans de Charles Sorel ou de Furetière. On décèle en outre, dans la période dite «classique» , une persistance du baroque, comme dans les pièces à machines (le Dom Juan de Molière) ou dans la thématique funèbre de Bossuet. Tout cela a conduit les commentateurs à multiplier les étiquettes: préclassicisme, préciosité, burlesque, grotesque, libertinage, jansénisme, littérature mondaine, etc. 
Malgré cette confusion lexicale et la diversité des œuvres produites à l'époque dite classique, on peut tenter de définir le classicisme comme moment historique : alors que les pays du Sud sortent de leur siècle d'or, que ceux de l'Est sont ravagés par la guerre, alors que ceux du Nord s'enrichissent mais connaissent des troubles, l'ةtat français cherche une stabilité après les guerres civiles du XVIe siècle (guerres de religion): il la trouve après les guerres du milieu du XVIIe siècle (la Fronde). La recherche d'une organisation harmonieuse et solide entre les élites sociales (caste parlementaire, grande noblesse d'épée) ou entre les courants religieux (gallicanisme et romanisme jésuite) comprend naturellement un volet culturel. Prolongeant la politique de Richelieu, Louis XIV affirme la vigueur de l'ةtat en renforçant son administration et en intervenant dans l'économie, mais aussi en construisant une politique culturelle: subventions à des auteurs choisis et fondation d'institutions d'ةtat, telles que les Académies. Richelieu avait fondé l'Académie française en 1634 et lui avait ordonné trois ans plus tard de rendre son jugement pour terminer la «querelle du Cid»  (polémique littéraire autour d'un succès de Corneille). Seront organisées plus tard l'Académie royale de peinture et de sculpture (1648), celle d'architecture (1671) et celle de musique (dont Lully devient directeur en 1672). La mainmise royale sur le théâtre s'accomplit lors de la fusion de trois troupes pour former la Comédie-Française (1680). 
Les auteurs et les institutions de Louis XIV vont travailler pour définir le bon usage du français, au-delà de la diversité conflictuelle des castes et des goûts. Parallèlement se codifie le comportement en société par la définition d'un idéal de l'«honnête homme». Ce travail hérite de l'Antiquité à travers la Renaissance italienne et l'humanisme érudit hollandais. L'Académie française s'était vu confier la tâche d'élaborer un dictionnaire, une rhétorique et une poétique : les trois domaines envisagés sont donc la langue, la prose et la littérature en vers. 


La langue classique: La France du XVIIe siècle connaît encore le multilinguisme, avec des parlers ou des accents régionaux et sociaux très contrastés. Cependant, le français n'y est plus perçu comme une langue «vulgaire»  par rapport au latin, comme c'était encore le cas au siècle précédent. Reste à en fixer le bon usage, c'est-à-dire «la façon de parler de la plus saine partie de la cour, conformément à la façon d'écrire de la plus saine partie des auteurs du temps», comme l'écrit Vaugelas dans ses Remarques sur la langue française (1647). De nombreux ouvrages paraissent à la suite du sien, comme celui de Ménage, Observations sur la langue française (1672). La fin du siècle voit paraître deux grands dictionnaires de la langue française (Richelet, 1680; Furetière, 1690) avant celui des Académiciens (1694). 

La prose classique: La réflexion sur la prose classique dérive de celle sur l'art oratoire: les Belles Lettres naissent de l'éloquence, et donc de la rhétorique. Le style et les ouvrages de Cicéron (De oratore, Brutus) sont, à ce titre, fondateurs. Les érudits s'interrogent sur le meilleur style: quel est-il!? Est-ce l'«atticisme»  (style sévère et simple) ou l'«asianisme»  (style plaisant et orné)!? Cicéron insistait sur la nécessité du decorum, c'est-àdire de l'adaptation du discours à la situation et à l'auditoire, impliquant des styles plus ou moins élevés. Ce décorum devient un concept clé du classicisme, par exemple dans l'écriture des lettres (notamment dans les recueils de lettres fictives ou réelles appelés Secrétaires). Les débats français reprennent alors les débats italiens. La civilisation de cour de la noblesse d'épée (la «cour») et la conscience de classe de l'aristocratie de robe (la «ville») s'y heurtent, comme le font, dans les Femmes savantes de Molière, Trissotin l'arrogant frivole et Vadius le pédant austère. 
S'ajoute à cela un débat sur la prose chrétienne, qui se place sous le signe de saint Augustin. C'est dans les années 1620-1630 que se forme un consensus français, dont la fin du siècle livre les synthèses (père Bouhours, Entretiens d'Ariste et d'Eugène, 1671). Préparée par les traductions (les «belles infidèles» ) en français des historiens latins, la prose classique livre ses chefs-d'œuvre, dans des registres qui vont du style «naïf»  c'est-à-dire naturel (les Lettres de Mme de Sévigné) au style d'apparat (les Sermons et Oraisons de Bossuet). La prose s'illustre aussi par les mémoires (ceux de Retz ou de Saint-Simon), les œuvres morales (Maximes de La Rochefoucauld et Caractères de La Bruyère) mais aussi les contes (Perrault). Comme Poussin avait su s'éloigner en peinture à la fois du style du Caravage et du maniérisme, le roman abandonne à la fois le réalisme cru des «histoires comiques»  (Sorel, Furetière, Cyrano de Bergerac) et l'irréalité élégante des longs romans de bergers (notamment les romans pastoraux, illustrés par Honoré d'Urfé avec l'Astrée) ou de princes (romans héroïques illustrés par Mlle de Scudéry avec le Grand Cyrus). Et la place, le récit élabore un réalisme élégant, qu'illustrent bien les nouvelles historiques, comme la Princesse de Clèves de Mme de La Fayette. 

La littérature classique en vers: L'Académie n'a jamais rédigé sa poétique, mais Boileau livre la sienne en 1674. Les grands noms pour la postérité y figurent déjà: Malherbe, père de la poésie lyrique classique, mais aussi Corneille, Racine et Molière pour la poésie «dramatique», c'est-à-dire le théâtre. La poétique classique (appelée «doctrine classique» ) se place sous le signe de celle d'Aristote et de ses commentateurs italiens (Scaliger, 1561; Castelveto, 1570) ou hollandais (Heinsius, 1611; Vossius, 1647). Elle reprend à l'Antiquité la définition de la littérature comme «imitation»  et le précepte «plaire et instruire», qui servira entre autres à justifier l'existence du théâtre contre les attaques des catholiques rigoureux (la comédie vaut par la satire morale, la tragédie par la «catharsis», c'est-à-dire la «purgation des passions»). Les deux grands genres classiques sont l'épopée («poème héroïque») et la tragédie. 
L'épopée (Chapelain, la Pucelle, 1656) ne donne pas de chefs-d'œuvre. En revanche, une dramaturgie classique, codifiant la tragédie et la grande comédie, s'élabore à partir de la réflexion sur la tragédie: citons à ce titre la Lettre sur la règle des vingt-quatre heures (1630) de Chapelain, mais aussi les textes polémiques autour du Cid et de la Pratique du théâtre (1657) de l'abbé d'Aubignac et les Discours et Examens (1660) de Corneille. Ces théories, alliées à une riche expérimentation (rendue possible par l'essor du théâtre joué, la création de troupes fixes à Paris et la pratique du mécénat pour les troupes itinérantes), amènent à une nouvelle et féconde classification : farce, tragi-comédie régulière ou non, pastorale, théâtre à machines et opéra. 
La règle fondamentale la plus célèbre du théâtre classique est celle dite «des trois unités»  (d'action, de temps, de lieu): selon cette règle, l'intrigue forme un tout organique (unité d'action). De plus, elle préconise, pour une «imitation»  parfaite, d'éviter la rupture spatio-temporelle: la scène ne représente qu'un seul lieu (unité de lieu), l'entrée et la sortie des personnages se fait de façon à marquer l'enchaînement temporel des scènes (liaison des scènes), le temps de la fiction se rapproche du temps de la représentation en n'excédant pas vingt-quatre heures (unité de temps). S'ajoutent à ces règles celles de la vraisemblance, de la cohérence des caractères et de la «bienséance»  (celle-ci recommande de ne pas choquer le spectateur). Le théâtre de Racine, davantage que celui de son aîné Corneille, trouve précisément sa force esthétique dans le respect même de ces unités, qui créent une atmosphère de huis-clos et semblent par cela même participer à l'élaboration de la «crise»  tragique (le moment le plus intense de la pièce, celui où se joue le destin des personnages). 

Classicisme et romantisme: C'est le romantisme qui, en rejetant les principes esthétiques hérités du XVIIe et du XVIIIe siècle, crée a posteriori le terme de classicisme (Stendhal, Racine et Shakespeare, 1823-1825; Victor Hugo, Préface de Cromwell, 1827). L'institution scolaire fait ensuite du classicisme un mythe national, un moment de perfection de la langue et de la littérature, qui donne un modèle de rationalisme et de précision dans l'analyse psychologique, un modèle aussi dans la maîtrise des moyens et dans l'effacement du «moi», un exemple enfin de stylisation, de respect des règles et d'alliance entre l'esthétique et la morale. Cela ne va pas sans un tri sévère dans la littérature du Grand Siècle: des trentecinq pièces de Corneille, l'institution ne semble avoir retenu que le Cid, Horace, Cinna et Polyeucte. 
De nombreux écrivains du XXe siècle revendiquèrent le classicisme, pensé comme un anti romantisme, par nostalgie d'une époque d'avant les Lumières et d'avant la révolution industrielle (c'est le cas de Maurras), par une démarche réflexive et un refus de l'actualité (c'est le cas de Valéry ou de Gide), par choix de la mesure face aux tentations de la chair (Claudel) ou de l'histoire (Camus). 
Romantisme, courant littéraire, culturel et artistique européen dont les premières manifestations, en Allemagne et en Angleterre, datent de la fin du XVIIIe siècle. Il se manifesta par la suite en France et en Italie, mais aussi en Espagne, au Portugal et dans les pays scandinaves au cours des premières décennies du XIXe siècle. Le romantisme est un courant de sensibilité et de pensée qui a influencé l'art et la culture de toute l'Europe, et non une école. C'est en tant que tel que le romantisme a marqué la création littéraire, que ce soit en Allemagne (Novalis, Wackenroder, Tieck, Kleist), en Angleterre, (Blake, Wordsworth, Coleridge, Byron, Shelley, Keats), en France (Stendhal, Lamartine, Vigny, Hugo, Musset, Gautier) ou en Italie (Manzoni, Leopardi).

Le Théâtre: Le théâtre du Grand Siècle est dominé par deux maîtres: Racine, pour la tragédie, et Molière, pour la comédie. 

Tragédie racinienne: Avec Jean Racine, la tragédie atteint son apogée: récusant l'humanisme optimiste de Corneille et les compromissions du romanesque, il veut retrouver la tradition antique en empruntant exclusivement ses thèmes aux tragiques grecs et latins et à la Bible. Désireux de susciter «terreur et pitié» à l'instar des Anciens, dans une perspective édifiante, selon le principe de la catharsis, il met en œuvre dans ses tragédies les forces obscures de la passion (passion amoureuse et ambition politique), donnée comme le principal vecteur d'un destin implacable. L'action de ses tragédies, considérablement épurée par rapport à celles de ses prédécesseurs, gagne en puissance: le respect strict de l'unité de lieu, de temps et d'action, va dans le sens d'une concentration, et même d'une intériorisation du conflit, qui exprime à la perfection le pessimisme de l'auteur, dont la pensée doit beaucoup au jansénisme (Andromaque, 1667; Britannicus, 1669; Bérénice, 1670; Iphigénie, 1674; Phèdre, 1677). Dans le genre tragique, il faut citer encore le nom d'auteurs restés dans l'ombre de Racine, tels Thomas Corneille, frère de Pierre Corneille, et Philippe Quinault.


Comédie moliéresque: En s'inspirant, à l'instar de ses prédécesseurs Corneille et Rotrou, des sources les plus diverses - les comiques latins (Plaute), la commedia dell'arte et la tradition de la farce -, Molière achève de faire de la comédie une œuvre littéraire de premier plan. Ses comédies, non dépourvues de profondeur ni de gravité (le Misanthrope, 1666), traitent, sur le mode satirique, de faits de société, comme le problème de l'éducation des femmes (l'École des femmes, 1662) ou les excès ridicules de la préciosité (les Précieuses ridicules, 1659). Mais, avec Tartuffe (pièce écrite en 1664, jouée en 1669) et Dom Juan (1665), il s'attaque à des problèmes contemporains plus graves, puisqu'il s'agit de dénoncer les agissements du parti dévot. Molière s'inscrit dans la tradition moraliste de son époque en faisant de la comédie le lieu de dénonciation des vices de son temps, mais la portée de son propos le rend pertinent de nos jours encore. En outre, il sait créer des types littéraires très forts (Harpagon dans l'Avare, par exemple) et inventer un langage dramatique inédit en mêlant la langue des aristocrates et le patois paysan, les situations les plus tragiques au comique farcesque élémentaire et à la pantomime, etc. Après Molière, mais loin de l'égaler, des auteurs tels que Jean-François Regnard ou Alain René Lesage se distingueront dans le genre de la comédie. Voir Drame et art dramatique.  

Essor du drame: de la tragi-comédie à la tragédie: L'épanouissement du théâtre, genre encore négligé au début du siècle, doit beaucoup à Richelieu, qui souhaite l'utiliser à des fins de propagande. A Paris, l'unique troupe de théâtre, celle de l'Hôtel de Bourgogne, est bientôt concurrencée par la création, en 1634, du théâtre de l'Hôtel du Marais, puis par celle du théâtre du Palais-Cardinal en 1641. La tragédie classique ne prend pas aussitôt sa forme régulière, mais grâce aux encouragements des institutions, des auteurs se révèlent dans des genres divers, notamment la pastorale, très prisée, qui situe une action sentimentale dans un cadre idyllique et dans laquelle s'illustrent des auteurs tels que Montchrestien (Bergerie, 1601) ou Jean Mairet (Silvanire, 1629). La tragi-comédie s'impose peu à peu, à partir des années 1630, avec des auteurs tels que Jean de Schélandre (Tyr et Sidon, 1628), Jean de Rotrou et surtout Pierre Corneille, qui s'en révélera bientôt le maître. La tragi-comédie, si elle annonce la tragédie racinienne, relève encore du baroque par ses thèmes héroïques et spectaculaires, la verdeur de son langage et sa forme encore irrégulière. Pierre Corneille se situe en fait à la charnière des deux tendances, baroque et classique, du siècle. Cet auteur, qui donne à la comédie ses lettres de noblesse en l'adaptant aux mœurs de son temps et à un public raffiné (Mélite, 1629 ; l'Illusion comique, 1636), s'illustre dans des genres divers, avec la volonté constante d'agir sur le spectateur, pour l'amener à réfléchir ou à s'émouvoir, contribuant ainsi à son édification morale. La querelle que suscite son chef-d'œuvre, la tragicomédie le Cid, en 1637, l'incite à adopter ensuite les principes de la tragédie régulière, caractérisée par une intrigue épurée - où les principales forces agissantes sont le destin et les passions, et qui est dominée en outre par une vraie réflexion philosophique et morale. Cette nouvelle orientation donne naissance aux autres grandes œuvres tragiques de Corneille, où l'on retrouve mis en œuvre le thème de l'héroïsme et le schéma du «cas de conscience» qui se pose déjà dans le Cid: Horace (1640), Cinna (1641) et Polyeucte (1642). Les autres principaux auteurs de tragédie de cette première moitié du siècle sont Tristan l'Hermite, Jean Mairet et Jean de Rotrou. Voir Drame et art dramatique.

La comédie: Au début du XVIIe siècle, la comédie n'est pas très répandue en France, alors que la tragédie et surtout la tragi-comédie se partagent les faveurs du public. En fait, il semble que les auteurs et les spectateurs n'arrivent pas à imaginer un comique détaché des traditions de la comédie latine et de la farce, qui est d'ailleurs encore fort prisée. Il faut dire que les genres ne sont pas totalement définis, et on retrouve aussi des éléments comiques dans la tragi-comédie et dans la pastorale. Les écrivains de l'époque, comme Pierre Corneille, Rotrou, Mairet ou Scarron, tentent d'introduire des formes nouvelles de comédies. Ils dessinent les premiers contours des comédies d'intrigue et de mœurs destinées à se démarquer des tragi-comédies romanesques. Autour des années 1630, la comédie est encore rare, même si certaines pièces aujourd'hui oubliées comportent une matière comique très riche. Elle commence néanmoins à se faire reconnaître, surtout avec l'introduction des comédies espagnoles qui stimulent la création et renouvellent le genre. Les raisons qui motivent le manque d'empressement du public sont diverses. D'une part, la comédie est souvent vouée aux sujets communs et à des personnages médiocres, alors que la tragédie se réserve les héros et les passions nobles. 
Mais surtout, le rire n'est pas apprécié par les autorités religieuses qui le trouvent dangereux. En arguant que celui-ci dénote une absence de charité chrétienne, l'Église le condamne et le qualifie même de diabolique. La comédie n'est donc pas, par définition même, en odeur de sainteté. C'est dans ce contexte, qu'il faut imaginer le bouleversement apporté par Molière lorsqu'il introduit un nouveau style de comédie sur les scènes françaises. Non seulement il nourrit ses pièces de sujets et de matière qui lui faisaient défaut, mais il ose surtout faire du rire l'élément clé de ses intrigues, affichant une hardiesse peu commune. À partir des années 1659, il élargit considérablement le domaine de la comédie, avec sa première création parisienne Les précieuses ridicules. Derrière des allures farcesques et une intrigue rebondissant, le choix du sujet n'est pas anodin. Il met en scène une réalité sociale et une actualité qui éveillent la curiosité du public de telle sorte que le succès est immédiat.
Cette comédie touche à des choses très sérieuses sous le couvert d'une bouffonnerie d'apparence et la Cabale ne s'y trompe pas, attaquant violemment Molière. Il ne se laisse pas impressionner et continue sur sa lancée, approfondissant son sujet avec ses trois comédies suivantes Les Précieuses, L'École des maris, et L'École de femmes. Cette dernière, fort appréciée, déclenche un débat virulent et une longue querelle entre Molière et des ennemis de plus en plus nombreux (mondains ridiculisés, dévots, confrères jaloux, etc.).
Ces attaques révèlent surtout les questions sous-jacentes que posent les comédies de Molière. Dans l'esprit bien pensant de l'époque, la comédie n'est pas faite pour aborder des sujets sérieux car sinon elle les déconsidère forcément et les rend ridicules. Molière réagit face à cette conception étroite en souhaitant au contraire ouvrir encore plus grand le champ des domaines couverts par la comédie. Il a pour elle de grandes ambitions et, par son génie, il démontre à ses contemporains toutes les possibilités alors inexplorées que renferme ce genre. C'est ainsi qu'il transforme radicalement la scène française et que naît la “grande comédie”, celle qui atteint, sous l'âge classique, sa forme la plus achevée.  

Contes et fables: Le XVIe siècle a vu le genre de la nouvelle émerger et gagner ses lettres de noblesse; au XVIIe siècle, ce genre perdure avec les Nouvelles françaises de Jean de Segrais (1624-1701) et les nouvelles historiques de Saint-Réal (1639-1692). Mais c'est la fable et le conte qui s'imposent de la façon la plus spectaculaire comme des genres à part entière.  

Fable: De grands auteurs s'emparent en effet de ces formes jusque-là réputées mineures: Jean de La Fontaine s'inspire d'Ésope et de Phèdre pour ressusciter le genre de la fable. Mettant en scène des animaux, des types humains ou des figures mythologiques pour illustrer les travers ou les vertus de la société de son siècle, ses fables, composées souvent en vers mêlés, brillent par la variété de ton, la force suggestive et la concision des notations et par la justesse acérée du regard. Ce faisant, La Fontaine réussit la prouesse d'exploiter toutes les ressources de cette forme brève en s'affranchissant progressivement de ses modèles pour emprunter à d'autres formes littéraires; atteignant parfois une dimension véritablement épique, il livre une morale sévère et pessimiste d'honnête homme.  

La Fontaine et ses sources orientales: La Fontaine, comme plus tard Victor Hugo, n’aura entrepris aucun voyage en Orient, mais comme l’auteur des Orientales, il aura su faire appel à des écrivains-voyageurs de ses amis, et il empruntera beaucoup de thèmes et de personnages de ces régions du monde. C’est que le XVII siècle est propice aux voyages vers le Levant; un traité assez favorable à notre pays, conclu avec l’Empire Ottoman et connu sous le nom de Capitulations (du latin capitulations, chapitres de cet «accord de coopération»), permet à nos négociants, nos diplomates, nos missionnaires, de se rendre, à titre privé ou officiel, dans les Etats turcs. On recense environ deux cents récits de voyage en français, et qui sont lus dans la bonne société parisienne ou provinciale, tout au long de ce siècle.
Ainsi, François Bernier (1620-1688), qui a étudié la médecine à Montpellier et s’embarque pour la Syrie en 1654, passe en Egypte et se rend en Inde où il exercera comme médecin du Grand Moghol Aurangzeb à Delhi pendant huit ans. Familier de Boileau, Racine, ses lettres sont lues par Chapelain chez le chancelier Séguier, où l’Académie Française tenait ses réunions. Ses récits de voyage et son Histoire de la dernière révolution des Etats du Grand Moghol paraissent en 1670-1671 et La Fontaine l’aura rencontré dans le salon de Madame de La Sablière, sa bienfaitrice. On peut dire que Bernier, excellent écrivain et philosophe gassendiste aura mis à la mode les rapports entre création littéraire et curiosité de l’Orient. De nombreuses fables ont bénéficié de ses observations. C’est également l’époque où Jean Chardin fait paraître, au retour d’Iran, La Perse et les Persans (1671 à 1675), Jean Baptiste Tavernier, autre huguenot, ses Six voyages en Turquie, en Perse et aux Indes (1611), tandis que Jean Thévenot les aura devancés avec la publication de ses récits de voyage en Turquie et en Egypte (1655 à 1659), auxquels les répliques de Molière dans Les Fourberies de Scapin auront beaucoup emprunté.
Plusieurs traductions d’ouvrages importants de la littérature arabe et persane, à la même époque, permettent au public cultivé de se familiariser avec des œuvres encore inconnues. En 1664, Le Pouvoir et les Intellectuels ou Les Aventures de Kalila et Dimna, d’Abdallah Ibn Mouqaffah (mort en 756) fait connaître le plus grand ensemble de fables orientales d’origine indienne (un certain Bidpâi ou Pilpay les aurait composées), traduites en pehlevi (ancien persan) au VI° siècle, puis en arabe par un écrivain de famille mazdéenne de Bagdad. Le chef d’œuvre de la littérature universelle va devenir l’une des sources d’inspiration de La Fontaine, au même titre qu’Esope et Phèdre. En 1647, Du Ryer rédige la première traduction en français du Coran. En 1654, Gentius présente le recueil de poèmes de Saadi, le Gulistan (qu’aimeront Diderot et Marceline Desbordes-Valmore) et en 1697, Barthélémy d’Herbelot publie une encyclopédie orientaliste remarquable, Bibliothèque orientale ou Dictionnaire universel contenant tout ce qui fait connaître les peuples de l’Orient, ouvrage de référence pour deux siècles.
Le grand public est sensibilisé aux situations orientales par les dramaturges. Maire, en 1630, a fait jouer Soliman ou la mort de Mustapha, Tristan Lhermite, en 1656, La mort d’Osman, Rotrou, en 1658 Cosroes, qui décrit une cour exotique aux mœurs tortueuses et sanguinaires. Corneille, dans Le Menteur (1644) fait référence aux Ottomans: «Je serai marié si l’on veut en Turquie» (v.1050), «Vous serez marié si l’on veut en Turquie» (v.1710), «Je serai marié si l’on veut en Alger» (v.1720). Molière  également dans Les Fourberies de Scapin, après avoir emprunté son Médecin malgré lui à un conte du moyen âge Le vilain
Mire, lui- même décalque d’un conte persan, Le devin menteur. Quant au «mamamouchi» du Bourgeois Gentilhomme, c’est un rappel «boulevardier» de la visite mémorable de l’envoyé de la Sublime Porte à Versailles, Soliman Agha, en 1669, qui avait frappé ses hôtes en offrant du café (dont Madame de Sévigné, se trompant deux fois, aura déclaré qu’il «passera comme Racine») et en proposant d’acheter une jeune fille de la cour pour le Sultan. Louis XIV, ayant bien ri de la proposition, demanda à Molière de l’inclure dans une de ses prochaines pièces. Ce dernier fut conseillé par le Chevalier d’Arvieux, longtemps consul à Alger, et turcophone distingué.
Racine, quant à lui, avait soigneusement lu L’histoire de l’état présent de l’Empire Ottoman de Paul Rycault (1652), traduit en Français en 1670, et qui avait longtemps résidé à Istanbul, avant de composer Bajazet. Dans la préface de la pièce, on peut lire: «e me suis attaché à bien exprimer dans ma tragédie ce que nous savons des mœurs et des maximes des Turcs». Dans les romans de l’époque, Ibrahim ou l’illustre Vassal de Mademoiselle de Scudery, Ibrahim de Prechac, ou Les mémoires du Sérail de Madame de Villedieu, le déguisement des personnages est transparent; on retrouve la description de la société du temps, mais l’habillage est oriental et permet de déjouer la censure et les critiques hargneux. La Fontaine, comme ses contemporains, va puiser aux mêmes sources, utiliser les mêmes articles. Il nous en prévient dans son Avertissement du second recueil des fables (1668- 1679): «Je dirai par reconnaissance que j’en dois la plus grande partie à Pilpay sage indien «(variante de la transcription de «Bidpay»). Certains spécialistes pensent que le quart des fables est d’origine orientale, mais La Fontaine y trouve aussi le moyen de défendre ses idées.
Ainsi, dans Le Milan, le Roi et le Chasseur (XII, 12), dédié à S.A.S Mgr le Prince de Conti, prend-il la précaution d’ajouter « Pilpay fait près du Gange arriver l’aventure ». Il reconnaît, de toute façon, modestement ses emprunts, comme dans l’Epilogue du livre XI: «Truchement (3) de peuples divers Je les faisais servir d’acteurs en mon ouvrage. Car tout parle dans l’univers» (v. 5 à 7) Il n’hésitera pas pourtant à oser critiquer les tentatives de Colbert (qui avait contribué à la disgrâce de Fouquet, son protecteur) d’établir, à l’image des Anglais, des compagnies pour le commerce avec les Indes (1664); il ose émettre cet avis dans Le Berger et la Mer (IV,2): «La mer promet monts et merveilles; Fiez-vous y; les vents et les voleurs viendront.» (v.31 -32)
Les allusions à son informateur François Bernier, le voyageur dont nous avons parlé et qui avait publié de 1674 à 1678 un Abrégé de la philosophie de Gassendi (en huit tomes...), sont également assez nombreuses. Nous en citerons deux: Dans Le Discours à Madame de la Sablière (IX), il parle de lui: «En ces fables aussi j’entremêle des traits De certaine philosophie Subtile, engageante et hardie.» Et dans L’Horoscope (VIII, 16), il rappelle sa théorie des atomes et la manière (rapportée de l’Inde) de dresser des horoscopes. Mais dans L’Homme qui court après la Fortune et l’Homme qui l’attend dans son lit (VII, 12), le facétieux auteur se compare à son ami Bernier, qui avait évoqué devant lui l’empire du Grand Moghol et la ville de Surate, mais auquel il reprochait quand même son agitation: «Le Japon ne fut pas plus heureux à cet homme. Que le Moghol l’avait été.» 
Il lui fera un autre clin d’œil, en vantant le jardin de Madame de Châtelain à Clamart: «J’aime cent fois mieux cette herbe. Que les précieux tapis. Sur qui l’Orient superbe. Voit ses empereurs assis.» Hors les régions orientales, La Fontaine évoque aussi l’Amérique, qui commençait à être connue par ses expatriés; parfois ce n’est qu’un rêve, et l’un des fils du Vieillard et les trois Jeunes Gens (XI,8) «se noya dès le port allant à l’Amérique.» Les héros de Les deux Amis (VIII, 11) «vivaient au Monomotapa». Notre fabuliste se place dans la tradition de Montaigne en ce qui concerne le mythe du « bon sauvage», en général iroquois, et qu’il évoque dans son Poème du Quinquina (chant I, 1682), ou sur un ton critique vis-à-vis de notre société dans La Discorde (VI, 20): «Gens grossiers, peu civilisés. Et qui se mariant sans prêtre et sans notaire. De la discorde n’ont que faire.» (v. L11 à 13)
L’Orient antique, c’est la Bible et La Fontaine, ancien séminariste et proche de Port Royal a lu avec attention la traduction de Sylvestre de Sacy. En 1671, il publie une paraphrase du Psaume XII et le 16 juin 1693, il fera lire devant l’Académie Française Dies Irae. C’est aussi l’Egypte qu’il évoque dans le Tribut envoyé par les Animaux à Alexandre (IV, 12 en mentionnant en vers l’expédition d’Alexandre à l’oasis de Siwah, à la frontière libyenne, où il se fera reconnaître fils d’Ammon»: «qu’un fils de Jupiter, un certain
Alexandre...». (v.6)
Est évoquée également l’Andalousie, ou le Maroc, dans le conte La Fiancée du Roi de Garbe («Garbe», transcrit en espagnol «Algrave», province occidentale de l’Espagne et qu’on retrouve dans le nom géographique «Maghreb», l’Occident), ainsi que les échanges maritimes de l’époque avec l’Egypte («Zaïn, soudan [sultan] d’Alexandrie) ou la Palestine («Joppe/Jaffa). L’empire ottoman est décrit à plusieurs reprises. Dans Le Dragon à plusieurs têtes et le Dragon à plusieurs queues (I, 12) on voit "l’envoyé du grand seigneur chez l’empereur d’Allemagne". L’anecdote est rapportée par Galland, le futur adaptateur des Mille et Une Nuits dans ses Paroles remarquables, bons mots et maximes des Orientaux (Vlll, 18). L’allusion à la justice expéditive des «cadi» musulmans dans Les Frelons et les Mouches à miel (1,21) est emprunté à cette Histoire de la révolution du grand Moghol (1670, tome 2) de Bernier: «Plût à Dieu qu’on réglât ainsi tous les procès. Que des Turcs en cela on suivît la méthode.» (v.31-32)
Le Bassa (pacha) et le Marchand (VIII, 18) décrit l’occupation ottomane de la Grèce, la concussion des fonctionnaires turcs, et l’utilisation de café empoisonné pour se débarrasser des importuns; de même la façon de négocier en introduisant une anecdote supplémentaire dans la trame de la fable. Tout cela naturellement a été soufflé par Bernier, et La Fontaine n’aura «recentré» sa conclusion relative à la guerre de Hollande que pour obtenir les faveurs royales. Dans Le Rat qui s’est retiré du monde (VII, 3), on rend hommage pour l’inspiration aux «Levantin en leur légende». En effet, l’attitude égoïste du religieux, peu solidaire de ses concitoyens, est une situation empruntée à Pilpay et à Ibn Al Mouqaffah: aux solliciteurs... «Le nouveau saint ferme sa porte. Qui désigne-je à votre avis. Par ce rat si peu secourable ?
Un moine ? Non, un dervis.» (v.31 à 34) (4)
Le sujet de la fable Le Corbeau et le Renard (1,2) est emprunté au folklore persan, mais là, le corbeau est le plus rusé et le renard se casse une dent (au sens propre) de colère d’avoir été battu. Attribué à Esope, Le Villageois et le Serpent (VI, 13) vient également de Kalila et Dimna et souligne que les ingrats peuvent être punis. Le Loup et le Renard (XII, 9), d’origine persane également, constitue la revanche du renard; bloqué au fond d’un puits dans un seau qu’il avait utilisé pour croquer le croissant de lune qu’il avait pris pour un fromage, il s’en sort en faisant appel au loup «qui fut un sot de le croire». Mais Persans comme Français n’ont pas à se croire plus malin que ces deux compères «Ne nous en moquons point, nous nous laissons séduire, Par aussi peu de fondement.» (v.44-45) 
La question de la religion est également évoquée sous deux formes; par le rappel des extrémistes ismaéliens des XII et XII siècles, réfugiés dans la forteresse d’Alamout et qui seront exterminés par les Moghols; dans Feronde ou le purgatoire (FV,6) on apprend que: «Vers le Levant de Vieil de la Montagne. Se rendit craint par un moyen nouveau" (v.1-2) et dans la description de l’hypocrisie de certains pharisiens modernes; il s’agit du personnage de «Grippeminaud» (nom emprunté à Rabelais, qui est bien présent aussi dans les Fables), ermite vénérable et respecté, à la manière du «chat» de l’épisode de Kalila et Dimna intitulé Le rossignol, le lièvre et le chat, et que La Fontaine rebaptise Le Chat, la Belette et le petit Lapin (VII, 16), et qu’il décrit ainsi: «Un chat vivant comme un dévot ermite» (v.32) «Un saint homme de chat, bien fourré gros et gras (v.34) 
Mais cette réincarnation du «chat jeûneur» du poète persan Nasrollah Chirazi (milieu du XIIe siècle) est tout aussi hypocrite: «Grippeminaud, le bon apôtre... Croqua l’un et l’autre» (v.43-45) Il serait intéressant à ce propos de consulter l’ouvrage d’Olivier Bonnerot (5) pour se rendre compte à quel point sont proches Iraniens et Français dans le domaine de l’humour et du conte. L’Inde est également souvent décrite; Le Rat et l’Eléphant (VIII, 15) montre un équipage de maharané: «Sur l’animal à triple étage. Une sultane de renom [...] S’en allait en pèlerinage.» (v. 15-16; 19) 
De même dans Le Songe d’un Habitant du Mogol (XI,4), la situation inversée du ministre cupide qui se retrouve en paradis car «Ce vizir quelquefois cherchait la solitude » tandis que le moine est condamné à l’enfer parce que «Cet ermite aux vizirs allait faire sa cour », pourrait être aussi valable en Occident. Il s’agit pourtant d’une anecdote rapportée par Dernier, qui avait aussi évoqué les bûchers de sacrifice de la religion hindoue, que l’on retrouve dans Jupiter et le Passager (IX, 3): «Il brûla quelques os quand il fut au rivage.» La croyance aux «Djinns» (génies) est rapportée dans Les Souhaits (VII, 6); ils apparaissent sous le terme de «follets», qui peut être une traduction proposée par Bernier: «Il est au Moghol des follets. Qui font office de valets.» (v.let 2) Celui-là est transféré de l’Inde en Norvège: «Et d’Indou qu’il était on vous le fit Lapon.» (v.25) Satisfaire les vœux de ses maîtres indiens en guise d’adieu va provoqué des catastrophes, déjà commentées dans Le Livre de Sindbad le Marin, incorporé dans les Mille et une Nuits.
C’est cet autre voyageur, Tavernier, dont nous avons parlé plus haut, qui aura décrit à La Fontaine le système ottoman de recrutement des responsables administratifs, esclaves devenant gouverneurs et vizirs, puisqu’ils n’existait pas d’état de noblesse héréditaire; il en était de même dans l’empire musulman de l’Inde. Le Berger et le Roi (X, 9) montre ainsi comment un berger devient premier ministre, fonction qu’il abandonnera volontiers, une fois menacé de disgrâce. Comme dans Le Bassa et le marchand, une anecdote à l’intérieur de la fable, celle de l’aveugle qui confond un fouet et un serpent, est aussi une technique du récit oriental. Enfin dans L’Ingratitude et l’Injustice des Hommes envers la Fortune (VII, 14), c’est l’organisation du commerce avec l’Asie du Sud-Est qui est évoquée, et notamment l’importation européenne de porcelaine chinoise.
On s’aperçoit combien La Fontaine avait bien retenu les leçons de ses informateurs ; pas d’erreurs anachroniques; les personnages, s’ils ressemblent à nos ancêtres, sont empruntés à l’Orient proche ou lointain. Et ce vieux fonds commun, développé en Inde, en Iran, au Levant, en Turquie, nous paraît, par le génie de notre auteur, bien «de chez nous». «La Fontaine est, pour nous, nos Mille et une Nuits, aussi riches, aussi variées, aussi désinvoltes et poétiques que les histoires de Shéhérazade» conclut Marcel Schneider. La Fontaine, eût-il été persan, nous lirions toujours avec un savoureux intérêt ses mille et une fables, voire ses mille et un conte.

Conte: S'inscrivant dans la vogue du merveilleux qui sévit alors dans les salons, Charles Perrault renouvelle le genre du conte de fées avec ses Contes en vers (1694) et les Contes de ma mère l'Oye en prose (1697). Ces récits, qui empruntent à la tradition orale et populaire, brillent par leur ambiguïté: issus d'une littérature naïve et enfantine, ils sont pourtant l'œuvre élaborée d'un érudit spécialiste des lettres et, de ce fait, sont susceptibles de se prêter à plusieurs niveaux de lecture. 
Essor des genres mondains: La vie des salons aristocratiques est, tout au long du XVIIe siècle, particulièrement intense: c'est là qu'ont lieu les grands débats littéraires du temps, et de nombreux auteurs de premier plan sont familiers de ces milieux. Ce lien étroit entre la vie mondaine et aristocratique, d'une part, et la littérature, d'autre part, explique l'importance prise par ce que l'on peut appeler les «genres mondains» dans la littérature du temps. Voir salons littéraires.  

Correspondance et récit épistolaire: L'art de la conversation mondaine trouve un équivalent littéraire dans la correspondance, genre où s'illustre notamment Mme de Sévigné, dont les Lettres représentent un précieux témoignage sur les mentalités du temps. Les lettres de la marquise sont authentiques; destinées par leur auteur à un usage strictement privé, elles ne seront publiées qu'à titre posthume. Mais le public se révèle si friand de cette forme littéraire «vraie», que de nombreux auteurs composent de fausses correspondances (en fait, des romans épistolaires) en les faisant passer pour authentiques. C'est le cas notamment du sieur de Guilleragues, qui publie son roman les Lettres portugaises, en faisant croire que ces lettres brûlantes de passion ont été réellement envoyées par une religieuse à un amant volage et lointain ; le débat sur l'authenticité de cette correspondance amoureuse a perduré jusqu'à une date très récente et leur attribution à Guilleragues est établie avec certitude depuis peu.  

Œuvres de moralistes: Le goût de Mme de Sévigné pour le trait d'esprit et pour la peinture des mœurs de son temps caractérise également les écrits de moralistes tel La Rochefoucauld à qui l'on doit de sévères Maximes, qui brillent par la rigueur et la concision de leur syntaxe et par la finesse judicieusement ambiguë de leur propos. Dans un genre littéraire également concis, le portrait, emprunté à Théophraste, et une perspective tout aussi moraliste, Jean de La Bruyère connaît un succès immédiat avec ses Caractères (1688), série de portraits et de maximes qui renvoient, certes, à des contemporains bien réels de l'auteur, mais davantage encore à des types sociaux. Témoin de son temps et moraliste lui aussi, le cardinal de Retz dépeint les subtilités politiques de la monarchie d'une plume souvent acide dans ses célèbres Mémoires ; citons aussi l'épicurien Saint-Évremond, auteur d'essais littéraires ou moralistes et, plus tardivement, le duc de Saint-Simon, grand seigneur et courtisan aux idées conservatrices, qui compose des Mémoires (1739-1750, publiés en 1829), fruit d'observations souvent acérées sur la fin du règne de Louis XIV et la crise des valeurs aristocratiques. Voir Mémoires.  

Récit «mondain» et roman de mœurs: Le récit est marqué naturellement par cette mondanité: c'est le cas de la Princesse de Clèves (1678) de Mme de La Fayette, d'abord titré Mémoires. Ce roman, qui a pour cadre la cour d'Henri II, le monde aristocratique le plus raffiné et le plus policé, pose des questions morales propres à ce milieu: la fidélité d'une femme à un époux qu'elle n'a pas choisi et l'interdit qui pèse sur l'amour qu'elle ressent pour un autre. Cependant, le roman de mœurs, héritier du roman comique, est inauguré avec le Roman bourgeois (1666) de Furetière: prenant le contre-pied de récits mondains écrits par les aristocrates, il fait entrer la petite bourgeoisie dans l'univers romanesque. 

Les Théories littéraires: Le Grand Siècle a encore la particularité d'engendrer des systèmes littéraires, marqués par l'attachement à un passé glorieux et mythique, et qui sont précisément le fondement de ce que l'on appelle le classicisme en littérature. Les grands principes érigés à cette époque ont pour nom imitation des Anciens et emprunts bibliques, régularité et maîtrise de la forme, classification et épuration du lexique, codification des genres littéraires: le Beau classique va de pair avec le Vrai et le Bon, c'est-à-dire avec le Divin. Boileau, qui s'inscrit d'abord dans la veine moraliste et mondaine avec ses brillantes Satires (1657-1665, publiées en 1666) puis avec ses Épîtres (publiées en 1674), s'attache ensuite à normaliser l'art d'écrire: son Art poétique (1674) fait la synthèse des pratiques de la littérature classique, en développant l'idée d'une poésie qui serait le fruit de l'inspiration divine, mais en soulignant la nécessité du travail et de la discipline pour atteindre la perfection. Sublime et pure, la poésie selon Boileau se situe dans un difficile équilibre; aux yeux de ce «législateur du Parnasse», seuls Corneille, Racine et Molière trouvent grâce. Si les œuvres d'un auteur incarnent à la perfection les principes du classicisme, il s'agit sans doute des sermons et des oraisons funèbres de Bossuet, le plus grand prédicateur de cette période : tant par leur perfection formelle que par leur propos résolument conservateur, ils constituent en effet des modèles du grand style. Voir Oraisons funèbres.

Le Déclin du classicisme: Les difficultés politiques entraînent une révolution progressive des mentalités à partir de 1680, et l'équilibre classique s'en trouve rompu. La querelle des Anciens et des Modernes, débutée vers 1670, révèle un clivage insurmontable entre les défenseurs des Modernes, comme Fontenelle ou Perrault, et les tenants des Anciens, comme Boileau, Racine et La Bruyère. Des œuvres comme le roman didactique, idéaliste et philosophique de Fénelon, les Aventures de Télémaque (1699), mais aussi le scepticisme d'un Saint-Évremond et l'ouverture d'esprit d'un Pierre Bayle sonnent la fin de l'âge classique et annoncent la sensibilité du siècle des Lumières. 


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